Départ matinal pour nulle part ailleurs (5ème partie)

On s'assied un peu partout sur l'herbe, comme on peut, au petit bonheur la chance, non sans avoir relâché les sangles des selles, permît aux montures de s'abreuver. Retiré le bât de la mule pour la soulager. Accroché chaque longe des licols à l'un des lassos tendu entre les arbres. On s'accapare les nombreuses gourdes fraiches pour se désaltérer, se les passe à la ronde pour apaiser sa soif, en laissant l'eau fraiche jaillir en long filet à une distance respectable de ses propres lèvres pour éviter de toucher le goulot. On se détend, s'étire, laisse reposer ses muscles raidis par la longue chevauchée à travers herbages à chevaux, prairies à bovins, plantations, petits mornes, collines et ravines.
La petite troupe se délasse, se repose, la fatigue disparait lentement. La décontraction envahit peu à peu les randonneurs
. "Como estar junto a tí, amor mío, no hay nada mejor, tú le has dado a mi vida sentido, a mi alma valor, me has enseñado el poder del amor. A tu lado es simple y hermoso vivir, es tan fácil, por fín, ser feliz porque hoy para mí Tú eres en mi vida la fuerza, la inspiración, el valor, la alegría de estar aquí. Tú eres en mi vida, toda mi fe, mi ilusión, mi pasión y es que tú eres mi razón de vivir".
On cherche une place, des affinités, on se rassemble autour du "boucan". C'est le moment choisi où subitement, tout le monde croit fermement avoir une faim de loup (Tener un hambre canina). Les glandes salivaires s'excitent et commencent comme par enchantement, à accomplir pleinement leur fonction à la vue du barbecue et à l'odeur appétissante qui se dégage de la grillade. La pièce de viande empalée par un bois pointu au dessus de la braise et qui cuit avec art et beaucoup de technique, sait faire venir l'eau à la bouche (hacérsele a uno la boca agua). Suite aux chants assez scabreux et audacieux psalmodiés par les hommes, un proverbe espagnol vient aussitôt à l'esprit: "El hombre, la hembra y el hambre" (L'homme, la femme et la faim). Ce n'est pas encore la bousculade, mais l'agitation, la hâte, voire l'incapacité à attendre ! Chacun tend son assiette avec impatience pour obtenir le meilleur morceau de cette viande parfumée si savamment grillée. Il est vrai que les estomacs entreprenaient de se manifester sérieusement pour descendre dans les talons. Les roches moussues ont tout de suite trouvé leur utilité comme sièges improvisés de ce banquet campagnard, auprès de convives empressés. Les genoux deviennent rapidement des tables. Un peu branlantes certes, mais largement suffisantes pour les assiettes cartonnées stockées auparavant dans les fontes suspendues du bât. Les galettes assez dures distribuées tout à l'heure, remplacent avantageusement le pain fantaisie vendu dans les épiceries du "pueblo" (village) traversé tôt ce matin. "A buen hambre no hay pan duro" (A bon goût et faim il n'y a mauvais pain), ou, pour une bonne faim, il n'y a pas de pain dur qui tienne ! Un des vétérans de l'équipe des "vaqueros", celui que ses compagnons nomment "El narrador" (le conteur), entame soudain, d'une voix rauque, une légende de la mythologie chinoise sur l'histoire d'un cheval ailé, divinité du vent. Le groupe se fait plus attentif, tend l'oreille, intrigué, semble oublier sa faim dévorante d'il y a un instant, les machoires mastiquent avec plus de lenteur, moins de bruit. L'histoire de "El narrador" déclamée dans la langue des "visiteurs d'un autre monde" est aussitôt traduite consciencieusement en espagnol pour les autres.

Une belle jeune fille prénommée Cannü avait perdu le sommeil et l'appétit depuis la disparition de son père enlevé par des brigands. Seul, l'étalon de celui-ci avait pu regagner la demeure familial et consolait un peu, par sa présence, la jeune fille qui s'occupait de lui, en le soignant et lui donnant à manger. Toutefois, devant l'aggravation de son chagrin, sa mère fit savoir aux alentours qu'elle promettait d'accorder la main de sa fille, sans condition, à celui qui délivrerait son mari et le ramènerait vivant. Plusieurs tentatives de prétendants courageux échouèrent. Cannü, ne voulant plus s'alimenter, dépérissait de jour en jour. L'étalon devenait nerveux et hennissait sans cesse. Une nuit, il rompit ses entraves et partit, tel l'éclair dans la steppe. Cannü, désespérée, pleurait à la fois son père et l'etalon. Quelques jours après, les habitants du village aperçurent dans le lointain un cheval avec un cavalier sur son dos. C'était le père de la jeune fille ramené par son étalon qui avait pu, par grand miracle, le délivrer. On fêta avec beaucoup de joie et de faste cette délivrance et ce retour. Cannü retrouva bonheur, santé et appétit, mais l'étalon devint indomptable, ne cessa de s'agiter et hennir en frappant le sol de ses sabots jour et nuit. La mère de Cannü fut alors obligée de révéler à son mari, la promesse qu'elle avait faite alentours à celui qui le sortirait des griffes des brigands et le ramènerait à la maison. Incrédule et agacé, le père de Cannü, sans rien dire à personne, décida de tuer l'animal en lui décochant entre les deux yeux, une flèche. Ensuite, il dépeça sa fière monture et fit sécher la peau dans un champ voisin. La jeune fille, le lendemain, en se promenant découvrit avec effroi la dépouille de l'étalon de son père. Et tout à coup, un très intense coup de vent souleva la peau du cheval qui vint envelopper entièrement le corps de Cannü pour l'emporter dans les cieux, loin au delà des nuages. Tout monde fut consterné par la nouvelle et le père pensa aussitôt que l'étalon devait certainement avoir des pouvoirs magiques incroyables. Quelques temps après, on découvrit accroché aux branches d'un grand mûrier le cuir détaché du corps de l'animal et on contata avec épouvante que la jeune fille s'était métamorphosée en une grande chenille à tête de cheval. Elle dévorait avec un désir immodéré toutes les feuilles de l'arbre et bientôt son corps quadrupla. Sa bouche se mit alors à secréter un fil de soie avec lequel, elle s'enroula complètement. Tous les témoins oculaires de cet évènement surnaturel pensèrent aussitôt que l'étalon du père de Cannü devait, sans aucun doute, être un dieu, puisqu'il avait le pouvoir extraordinaire de transformer sa fille en un animal de légende. Une nuit de pleine lune, la peau de l'étalon et le cocon disparurent du mûrier. Mais le lendemain, la jeune fille apparut merveilleusement resplendissante parmi les nuages, chevauchant l'étalon de son père, devenu ailé. Elle demanda à ce que l'on ne se lamente plus sur son sort, car elle était parfaitement satisfaite et heureuse parmi les déesses. Puis, elle enseigna à tous ceux qui assistaient à ce fait exceptionnel, l'art de produire de la soie et leur demanda de transmettre cette aptitude aux enfants.
De nombreux archéologues furent troublés de trouver dans certaines tombes de la dynastie des Han la statuette d'une jeune fille revêtue d'une peau de cheval, jusqu'au moment où ils s'aperçurent qu'il était encore d'usage, de nos jours, de placer dans la maison où on élevait des vers à soie une statuette de la déesse protectrice des vers et des mûriers et qu'il fallait la prier pour obtenir une bonne récolte de cocons. Cette déesse n'était autre que Cannü. On constate aussi, que les souverains chinois, à partir de la dynastie des Han, scellèrent leurs alliances avec les Xiongnu nomades par l'échange de leur précieuse soie contre des chevaux
"à l'écume rougeâtre" que leur beauté faisait appeler Tian Ma (chevaux célestes). L'armée impériale disposait ainsi d'une "cavalerie céleste". On retrouve donc, l'étalon de la légende de Cannü, le ver à soie étant représenté soit comme un serpent, soit comme un cheval ailé.




09/04/2009
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